Vie Communale
Jurisprudence 15.11.2017

Spectacle de Dieudonné à Marseille. Annulation d’une convention de mise à disposition d’une salle communale. Atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression

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Le juge des référés du Conseil d’État estime que la décision du maire de Marseille d’annuler la convention de mise à disposition d’une salle dans laquelle devait se jouer un spectacle de Dieudonné constitue, dans les circonstances de l’espèce, une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression.

Dans les circonstances particulières de l’espèce, en raison des différents motifs invoqués par la ville et de ses effets à la date à laquelle elle a été prise, la décision du maire ne se réduit pas à une résiliation d’un contrat pour un motif d’intérêt général mais s’analyse comme une mesure de police visant à interdire la tenue du spectacle dans la ville. La condition d’urgence à laquelle est subordonné le recours en référé-liberté est remplie. Outre le fait que l’annonce du maire a provoqué une interruption des réservations, aucune autre salle équivalente n’était plus disponible à Marseille ou aux environs pour accueillir le spectacle à la date de la décision contestée, de sorte que cette décision entraînait l’annulation de cette représentation. La liberté d’expression est une condition de la démocratie et l’une des garanties du respect des autres droits et libertés. Il appartient aux autorités chargées de la police administrative de prendre les mesures nécessaires à l’exercice de la liberté de réunion. Les atteintes portées, pour des exigences d’ordre public, à l’exercice de ces libertés fondamentales doivent être nécessaires, adaptées et proportionnées. Il ne résulte ni des pièces du dossier ni des échanges tenus au cours de l’audience publique que le spectacle « Dieudonné dans la guerre », qui a déjà été donné dans plusieurs villes en France, y aurait suscité des troubles à l’ordre public, ni qu’il ait donné lieu à des plaintes ou des condamnations pénales. Les critiques formulées par la commune, qui fait valoir que l’affiche du spectacle revêt un caractère antisémite, ne sont pas de nature à justifier à elles seules une mesure d’interdiction de celui-ci. Aucun des autres éléments avancés par la ville n’est de nature à établir le risque de troubles à l’ordre public. Enfin, si la commune fait état de nombreuses protestations et d’une vive émotion suscitée par la tenue de ce spectacle, il ne résulte pas de l’instruction que le maire ne pourrait pas y faire face par de simples mesures de sécurité. Dans ces conditions, le Conseil d’État juge que la décision litigieuse constitue une atteinte grave et manifestement illégale à la liberté d’expression (CE, 13 novembre 2017, commune de Marseille, n° 415400).